Wednesday, June 10, 2009 :::
#Réflexion Flash# (par Flash entendez bien sûr : truc super long écrit à l'arrache avec des tonnes de digressions sans rapport avec le sujet initial et pas forcément très pertinentes)
Salut les amis c'est Tranxenne. Voilà je rejoins eSM pour inaugurer la section Réflexion flash. Perso j'aurais bien appelé ça Prise de tête. Second degré tout ça tout ça. Faut qu'on se décide. Réunion du Comité Administratif du mur bientôt. Faut pas que ça vous fasse peur d'ailleurs. Croyez pas que le mur va devenir un repaire d'intellos. Mais à l'origine du mur on se confiait beaucoup plus (on était jeunes et plein de doutes). Aujourd'hui on s'explique. On s'expose. Évolution naturelle. On va voir si ça prend. On va pas faire que ça non plus, ne serait-ce que pour des raisons de temps que ce genre de fantaisie prend à écrire et même à lire.
Donc voilà ma première contribution flash. Vous allez me dire qu'elle a rien de flash. J'essaierai de faire - beaucoup - plus court la prochaine fois mais disons que là j'avais beaucoup à dire et puis c'était pour commencer le truc en fanfare. J'ai quand même essayé de faire quelque chose d'intéressant. Ça débute comme une fiction parce que je savais pas trop par où commencer mais ça se poursuit vite en style pamphlétaire. Respirez un grand coup. C'est parti.
"Je refuse !"
A. lança cette exclamation à qui voulait l'entendre, et tant pis si personne ne le voulait. C'était un cri du coeur, c'était aussi un trait d'esprit car, sans préciser ce qu'il rejetait là, on ne pouvait qu'augurer de l'étendue de sa dénégation, qui se transformerait vite en abnégation. Car ce qu'A. refusait, c'était tout. "Non Serviam", avaient jeté d'autres esprits, de singulières essences, et par là ils s'opposèrent à l'autorité, à la société, au monde. S'inspirant de cet exemple, A. s'imaginait aller plus loin et rejeter la vie elle-même, par là même toute action, fût-elle attentatoire à sa propre existence. Ce qu'il avait décidé, c'était de ne plus rien faire, ne plus rien dire, ne plus rien penser, bref n'être plus rien ni personne. Et qu'on ne lui demande pas son avis.
Tout le dégoûtait. Se sachant partie d'un système qui rongeait le monde et les âmes, un système qui assimilerait et utiliserait la moindre de ses actions comme une nourriture pour croître, chaque acte étant productivité, A. décidait de ne plus faire un seul mouvement, tel un rongeur faisant le mort sous l'oeil impavide d'un prédateur.
"Notre croissance en tant qu'espèce n'étant plus ni dirigée, ni contrôlée, toutes nos actions deviennent négatives, notre souffle même est un poison. Notre existence devient cancer. Sans objectif, notre ardeur à l'expansion devient la racine de notre extinction. Chaque individu même le mieux intentionné n'est qu'un rouage d'une machine conçue pour détruire. La vie même est devenue néfaste."
A. pensait également qu'un suicide serait inévitablement interprété comme l'expression d'un mal-être et d'une souffrance incomprise. Or, c'était les autres qu'il ne comprenait pas. Aussi, pour éviter qu'ils n'écartent son refus comme celui d'un malheureux, d'un inadapté, pour ne pas qu'on l'oublie, il avait décidé de pousser jusqu'au bout l'expérience de cette non-vie et même poussait le vice jusqu'à vivre le plus sainement possible afin de prolonger son existence. Ne buvant pas, ne fumant pas, mangeant peu et sainement, faisant du sport, il étonnait son entourage, lequel s'abîmait en paradis artificiels et autodestructeurs.
A. vivait son cauchemar en plein, il refusait de l'adoucir par l'usage de drogues ou de l'écourter par des comportements à risques.
Les autres, ceux qui jouent le jeu de l'existence, qui fuient et s'effraient de la mort semblent pourtant faire peu de cas de leur propre vie, maltraitant par intoxication et travail forcé leurs êtres, leur environnement, desquels leur vie même dépent. Ils ne peuvent, disent-ils, pas faire autrement. Esclaves ! Esclave de votre mode de vie, de votre peur de la mort ! Esclaves de votre esclavage même !
Je ne crains pas la mort car je n'aime pas la vie.
Ainsi pense A. Même alors l'implacable roue du destin l'entraîne. Même s'il s'en défend, son comportement, apparenté au wu-wei (non-faire) des taoïstes, n'est qu'un autre avatar du changement, une réaction visant à l'équilibre dans sa contradiction même. La vanité de tout effort lui fait baisser les bras. Le caractère éphémère de la vie, de toute vie, de l'univers même, les Big Bang succédant aux Big Crunch pour l'éternité, et l'impossibilité pour aucun être, pour l'humanité, de laisser la moindre trace dans l'infini n'incite pas au courage ni à l'action.
Une espèce, intelligente ou non, peut-elle s'élever suffisamment pour contrôler l'univers, pour abolir le temps et la mort, pour s'assurer qu'une de ses création, même une seule, devienne éternelle, pour empêcher le cycle du retour Samsara, celui de la vie, celui de l'univers ?
Peut-être. Mais l'humanité, ses préoccupations mesquines et ses comportements absurdes, n'en prend pas le chemin. L'humanité, dans tous ses actes et de toutes ses voix, sans même s'entendre ni se comprendre, désire l'extinction, l'appelle de ses voeux inconscients. Car l'extinction apporterait l'oubli et la promesse d'un nouveau départ, d'un nouveau monde sans passé. Nihilismes, destructions gratuites, comportements à risques, autant d'appels à l'extinction pure et simple. Égoïsme, hédonisme et cupidité n'en sont que les faces inverses. Voilà aujourd'hui notre société globale.
Évidemment, la perspective de ne rien pouvoir laisser, de ne rien pouvoir changer, la fondamentale inutilité de l'évolution, l'absence de but à la vie, fait perdre à beaucoup toute mesure et toute raison. Faut-il pour autant cesser de croire et d'espérer ? Faut-il souffler la chandelle sous prétexte qu'elle finira par se consumer toute ? Qui se souviendra de Jésus-Christ dans deux millions d'années ? Ou bien quand l'univers sera réduit à un agrégat de particules si serrées qu'elles ne pourront plus qu'exploser ? L'idée de Christ reviendra-t-elle dans un prochain univers ? Y a-t-il des caractères incompressibles ? Y aura-t-il des soleils et des planètes dans un prochain univers ? L'Homme pourra-t-il exister ? Ou bien l'art, la connaissance, la mémoire ? Pourquoi conquérir l'univers si ce dernier doit immanquablement se trouver réduit à rien ?
Homme libre toujours tu chériras la mort.
Personne ne considère le suicide comme un acte positif. C'est une erreur mais c'est la raison pour laquelle A. ne se suicidera pas. On ne cherche jamais à comprendre réellement les raisons d'un suicide, on écarte le geste comme triste et malheureux. Je ferais de mon existence une vie négative (en effet miroir de la mort positive du suicide) pour forcer les gens à se pencher sur mon cas, à se poser des questions, à se remettre peut-être eux-mêmes en question. Un suicide sans mort. Un rejet de la société, de la perversion de sentiments autrefois nobles, de la perversion aussi des pulsions de vie, des modes de vie gonflés de pathos et d'atavismes, du renversement des valeurs.
Lutte pour la survie, reproduction, conquête, compétition, séduction, ambition, soumission, destruction, le moindre de mes éternuements est lutte, combat contre des microbes allogènes, rejet de déchets insanes. Leur tentative pour affaiblir mon système immunitaire provoque la réaction de mon organisme.
L'amitié même est la pire des guerre, une illusion où l'on tente de faire sien un être, de le façonner à son image. À force de se frotter l'une à l'autre, deux personnalités deviennent adaptables, et s'adaptent, et sont heureuses de se retrouver ensemble. Quand deux personnalités ont beaucoup de points d'accroche, on appelle ça l'amitié. L'amitié s'entretient, bien sûr, car toutes les rencontres et tous les évènements polissent eux aussi la personnalité de chacun. Il faut constamment vérifier que les deux parties d'une amitié s'emboîtent toujours correctement. Si un jour ça ne va pas, il faut polir les angles, creuser quelques fossettes et puis ça rentre à nouveau.
L'amitié n'est qu'un autre champ de bataille avec ses trèves et ses tranchées, sa ligne de front et ses balles perdues.
Chaque mot que tu envoies vers l'autre est une balle tirée pour le tuer, pour t'étendre toi, ton territoire. Les conversations les plus amicales sont des batailles féroces.
Vouloir partager ses propres goûts, qu'ils soient musicaux littéraires ou autre, culinaires même, c'est vouloir les propager. Quand tu conseilles un live à quelqu'un, tu espères qu'il l'aimera, tu l'as aimé d'abord, tu ne fais qu'essayer de gonfler ta sphère d'influence. Personne ne conseille un livre qu'il n'a pas aimé. Personne ne professe une opinion en laquelle il ne soit pas convaincu.
Heureux et en paix sans courir après la fortune et les relations, sans vouloir ma propre EXPANSION, c'est ce que je veux leur montrer. Pas d'ambition, partant pas de soucis. Pas de projet, partant pas de peur.
Mais au final ce désir, cette décision même n'a aucune importance car elle sera pareillement réduite à néant. Elle est aussi vaine que ce à quoi elle s'oppose car tout participe de la même force, fait tourner la même roue. Ma décision n'est qu'une réaction destinée à devenir (ou non) un courant, puis un mode de pensée et de vie auquel s'opposera une nouvelle réaction. Aucun intérêt à tout cela, juste l'implacable machinerie de la vie qui n'a d'autre souci que de se perpétuer, peu importe sous quelle forme.
La vie a-t-elle une chance ? Peut-elle vaincre la mort ? La vie peut-elle durer toujours ? Se renouveler, recommencer tout, encore et encore, repartir toujours de zéro ? L'Homme, a son niveau actuel de développement, est-il force de vie ou bien force de mort ? Est-ce qu'il sème ou est-ce qu'il fauche ?
L'individu lambda croit que son statut d'espèce supérieure est inné. Or, être Homme est un travail qui se recommence chaque jour, à chaque instant. Je regarde dehors et je ne vois pas d'Homme, je ne vois que des bêtes. Ce qui nous fait Homme, espèce supérieure, c'est ce qui nous sépare du bestial et uniquement cela. Pas grand-chose, donc. La plupart des gens, la plupart du temps, n'utilisent que des fonctions animales, sans pouvoir ni même vouloir s'en défaire. "C'est naturel !", "c'est l'instinct !", répondent-ils à ceux qui leur démontrent l'inanité de leur comportement, tout ce qui dans leurs actes tend à nous détruire en tant qu'espèce. Les pulsions de vie deviennent pulsions de mort et la reproduction est maintenant un facteur d'extinction. Ces fonctions naturelles, animales, commandent l'action, toujours. L'action pour s'étendre, pour dominer, pour soumettre. L'action, l'activité, l'activisme, la productivité, faire quelque chose, n'importe quoi, ne pas rester inactif de peur de perdre du terrain, de peur qu'on nous croit mort. Être vu, être connu, être célèbre, se montrer, occuper le terrain. L'Artiste même suit un schéma identique : l'art n'est qu'une sublime manière de s'exprimer, de s'étendre, de transformer les autres en plus-comme-moi.
"Trop de mains pour changer le monde, pas assez d'yeux pour le contempler." disait Julien Gracq. Encore qu'on ne change le monde que pour son propre profit, le plus souvent. L'esprit de sacrifice, ou plus simplement la compassion, est si peu animale, si pleinement humaine !
Aujourd'hui la compassion disparaît, la charité est devenue solidarité, elle est institutionnalisée, elle est instrumentalisée. On n'a plus à être charitable, on paye des impôts ! On a délesté les gens de tout devoir civique. On attend impatiemment de pouvoir euthanasier en toute légalité les vieux et les handicapés, fardeaux économiques pour la société.
Trop d'acteurs, pas assez de spectateurs. Vivre, mais pourquoi ? Quel intérêt y-a-t'il a créer ou à bâtir quelque chose quand chacune de nos création nous met un peu plus en péril ? Plus aucune de nos oeuvres n'essaye de nous transporter au-delà de nous-mêmes, de nous transcender, de nous sauver. Tant de chef-d'oeuvres du passé, ignorés, délaissés, oubliés voire détruits, remplacés par de petites oeuvres sans beauté, créées par des artistes dépourvus de vision, de passion, d'application, mais par contre remplis d'égo.
Refuser également d'être un soldat ou un consommateur. Refuser d'être un pion et refuser d'être roi. Refuser de soumettre comme de se soumettre. Refuser de manger comme d'être manger. Refuser d'être, en fait.
Refuser la vie, ses lois, l'absence de sens, la simple progression aveugle de ses composantes s'absorbant, s'échangeant, se dévorant les unes les autres pour la simple survie de la vie. Refuser l'entropie. Pareillement refuser la négentropie car l'une entraîne invariablement l'autre depuis la nuit des temps et le début des univers, si début il y eut.
Je crois que c'est cela qu'on appelle rebellion.
Sans doute, seule la mort volontaire constitue un refus parfait, sans concession, à la vie et à ses méthodes. Pourtant ce n'est pas une solution à privilégier car comme expliqué plus haut, le suicide est trop souvent - toujours - considéré comme un échec, par le suicidé même également ! Or c'est d'une victoire dont il s'agit ici. Victoire sur le changement qui n'en est pas un, victoire sur nos atavismes et ceux de tous les êtres vivants, victoire sur l'évolution insensée, aveugle, sans logique ni but, avec nulle autre fin que son écroulement sous son propre poids ou bien la fin/début d'un autre cycle (Big Crunch/Big Bang), victoire sur la reproduction à l'identique du seul schéma existant, celui de la vie, victoire sur la vie elle-même.
Et encore : la mort ne fait-elle pas partie du processus ? Qui sait si le retour, l'Éternel Retour nietzschéen, n'est pas là aussi inévitable. En ce cas, nous sommes condamnés, à perpétuité, sans aucun espoir de paix ou d'évasion. Reste le refus conscient, la mort positive, le wu-wei, la rebellion. Maigre consolation : nager à contre-courant, c'est encore nager. Et le courant est à jamais plus fort.
Les animaux ne se suicident pas.
Est-il toutefois possible d'agir (!) pour renverser la tendance actuelle à l'entropie conduisant vers l'extinction ? Dans l'ordre universel des choses, sûrement pas, les forces à l'oeuvre échappent à l'homme bien qu'elles soient fondamentalement les même qui régissent son métabolisme et son comportement. À son échelle cependant, la relance des programmes de colonisation spatiale lui éviteront une fin sordide, piétiné par sa démographie, enseveli sous ses propres déchets. Évidemment, la fin de l'entropie pour l'homme signifie sa négentropie, donc le retour de l'expansion, des conquêtes. Peut-il devenir assez sage pour comprendre les lois régissant l'univers (il suffirait sans doute qu'il se comprenne lui-même (?)), pour réussir éventuellement à stopper l'arrivée d'un lointain Big Crunch.
Et puis ? L'univers est-il infini ? Même s'il l'est, quel sens y a-t-il, quel intérêt à s'étendre sans fin, de coloniser de nouvelles galaxies, de remplir leurs systèmes stellaires d'autres humains, copies conformes de nous-mêmes, tout évolués qu'ils soient. Les cafards comme le chiendent n'ont pas d'autre ambition : remplir tout l'espace connu de répliques de nous-mêmes, transformer tout à notre image, aux dépens et en guerre contre tout ce qui ne nous ressemble pas. Simplement l'homme possède des moyens démesurés pour satisfaire cet instinct que possède tout microbe. L'objectif ultime de chaque espèce est de dominer son écosystème, de se reproduire jusqu'à éradiquer toute compétition, de faire du monde une reproduction de soi-même. Normalement, un équilibre, un rapport de forces, une tension s'installe entre les différentes espèces. Quelquefois cependant une espèce prend l'ascendant sur les autres et s'étend sans plus de contrôle ni externe, ni interne. Même une espèce intelligente ne sait contrôler son expansion et continue à bouffer tout ce qui ne lui ressemble pas jusqu'à assurer son auto-destruction par uniformisation.
La colonisation de l'espace n'est qu'un report de cette problématique à un écosystème plus vaste. La présence ou non d'extra-terrestres n'a pas d'importance. Ce seront simplement de nouvelles espèces à compétiser.
N'est-ce pas sur la même base, s'étendre ou mourir, que s'érige également l'univers ? La seule chose qui échappe à la Loi, les seules idées fondamentalement humaines sont fort rares : compassion, humilité. Quoi d'autre ?
L'anarchie c'est le refus d'un système, d'un modèle, d'une société. La société tire ses fondamentaux de la Nature : domination, soumission, survie. Les plantes aussi se livrent une guerre sans merci ! Ce qui nous fait Homme c'est justement ce qui nous distingue de l'animal, de la nature. En cela, les valeurs promues par le christianisme (humilité, pauvreté, compassion, sacrifice) sont anti-naturelles. Être chrétien c'est être rebelle. C'est aussi refuser la vie ou tout au moins ses méthodes. Une vie sans désirs, sans paroles, sans actions, sans pensée même semble donc une vie idéale. C'est la vie du moine, de l'ermite.
"Fils du néant, qu'as-tu donc à te plaindre ?" - L'Imitation de Jésus-Christ.
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::: posted by Tranxenne at 12:54 PM