Wednesday, November 17, 2004 :::
 

Guerre Nica



Je voulais vous parler un peu de La Guerre du Péloponnèse, comme Lapsus vous l’a promis pour moi. Parce que les gros flingues de Warhammer et la guerre en Suisse c’est bien joli, mais il ne faut pas oublier qu’au temps antiques, les combats étaient autrement plus virils du fait que le corps-à-corps prédominait puisqu’on avait pas encore inventé ces trésors de technologie tels le lance-flammes ou la mitrailleuse à répétition.


Mais comment qu’ils pouvaient bien faire sans un arsenal décent ?

Comment faisaient ils ? C’est bien simple, ils se foutaient sur la gueule à grand coups d’épées et de masses à deux mains. Les seules armes à distances étaient l’arc (pas utilisé du tout par les Grecs, seuls les Chinois en étaient friands) la fronde et le javelot (là, les Grecs s’y connaissent plutôt bien).


Record du lancer de javelot enfoncé

Je suis loin d’avoir terminé le livre (j’en suis au tiers) mais il y a déjà beaucoup à en dire. Il faut dire qu’ici, de la guerre en veux-tu en voilà (27 ans de conflit, tu m’étonnes). Le chapitre un est dédié à un brossage de la période historique, à la présentation des forces en présences, aux tensions régnant dans la région ou aux discours de divers émissaires pour contracter des alliances de dernière minute, bref on sent qu’on est arrivé au bon moment et qu’un casus belli ne va pas tarder à se déclarer. Ca ne rate d’ailleurs pas, dès le chapitre deux les Lacédémoniens convainquent leurs alliés d’attaquer Athènes qui prétendent-ils, fait rien qu’à asservir tout le monde (argument fallacieux mais tout le monde à l’air de s’y retrouver)


- Faisons la guerre parce que c’est cool
- Ouais !!
- Bien parlé Athanerxestos

Il y a d’ailleurs pas mal de discours parsemant le bouquin, soit pour convaincre des alliés d’attaquer telle ou telle place, ou pour persuader des ennemis de ne pas empaler toute la population de telle ville conquise, ce qui donne un cachet des plus réaliste à l’ensemble et permet des pauses dans les récits de batailles sanglantes, ce qui malgré tout ce qu’on peut en penser, est des plus appréciables (700 pages de massacres, je suis pas sûr que le scénariste de Conan de Barbare ait osé y penser)


Boeuah ! C’est nul ce bouquin.

Alors le truc un peu saoulant au début c’est de retrouver qui est allié avec qui, et qui fait la guerre à qui, parce que la guerre du Péloponnèse en gros ce sont tous les Grecs (les Hellènes, en fait, la Grèce n’existe pas) qui se tapent joyeusement entres eux sur la gueule. Faisons un peu de tri :
A ma gauche nous avons les Athéniens, la puissance majeure du moment, et leurs alliés, parmi lesquels, en vrac : les Platéens, les Corcyréens, les Mytiléniens,etc…
A ma droite nous avons les Lacédémoniens, c’est-à-dire les peuples vivant au Péloponnèse même (sud de la Grèce actuelle) conduits par les Spartiates, alliés au Thébains, au Corinthiens, aux Mycéniens et j’en passe. Bien entendu ces alliances seront amenées à évoluer (en fonction de magouilles diplomatiques ou plus simplement de prise de cités) et au milieu de tous cela il y a des tonnes de barbares venus comme mercenaires s’éclater un peu au Péloponnèse, où les plages sont si belles. Autant vous dire que le coin à l’époque est un sacré bordel. Ce n’est pas une guerre civile car la nation grecque n’existe pas (il faut tout vous répéter), et les armées présentes sont celles de cités-états (bien sûr Athènes a déjà beaucoup d’obligés, des villes considérées comme sujettes)

Vu le titre du bouquin, on comprend que c’est surtout chez ces enculés de Lacédémoniens que ça va castagner. Voici pourquoi :

La grande force des Athéniens, c’est la flotte. Ils ont quelques milliers de bateaux et, plus important encore, ils sont très expérimentés sur l’eau et connaissent bien leur petit coin de Méditerranée.
Les Lacédémoniens, eux ont une puissante armée terrestre, du style qui déchire tout et que quand tu croises dans la rue tu changes de trottoir, voire de ville.

Il faut aussi savoir qu’à l’époque on ne se bat que pendant la belle saison. Ben oui en hiver ça caille trop alors on fait la trêve, on récupère ses morts et on rentre chez soi pour frapper sa femme et ses gosses, histoire de changer. Dès que le printemps revient, c’est reparti.


Quel cadre bucolique, ça me donne des envies de carnage tout ça.

Voilà comment les choses se déroulent les quatres premières années (et oui j’en suis là) : Au début de chaque printemps, les Lacédémoniens vont ravager l’Attique (entre Athènes et le Péloponnèse, y a plein de cartes avec le bouquin ça aide à la compréhension) : ils brûlent les champs, arrachent les arbres fruitiers, font caca n’importe où, bref, de vrais béotiens (avec une minuscule parce que les Béotiens, les vrais sont restés neutres – pas pour très longtemps, en fait.) Seulement, les soldats s’emmerdent ferme parce que toute la populace inféodée à Athènes se planque dans les villes qui font figure de forteresses imprenables. Il regardent d’un œil dédaigneux l’anéantissement de leurs cultures, et font toutes sortes de grimaces inventives aux soldats ennemis.


Grimace Athénienne, copyright déposé

On fait bien le siège de quelques villes par ci par la mais un siège c’est long, c’est chiant et ça coûte cher (j’y reviendrais), alors on préfère battre campagne en brûlant ce qui peut être brûlé, en arrachant ce qui peut être arraché, et en faisant caca un peu n’importe ou. Bien sûr au bout de trois ans de la même histoire, on ne trouve plus grand-chose à saccager mais tant pis, on y met du cœur parce qu’on est quand même des soldats, et un soldat, ça pille, ça arrache, ça viole (quand ça peut), et ça fait caca n’importe où. De plus les Lacédémoniens ne peuvent pas trop s’approcher d’Athènes car une cavalerie légère (mais nombreuse) se balade dans le coin, les harcelant s’ils viennent à s’approcher un peu trop près, pour se barrer aussitôt, parce qu’une bataille rangée ne tournerait pas à leur avantage. Les Lacédémoniens sont impuissants contre ces troupes (et oui une armée c’est lent), et leur propre cavalerie est trop faible pour se mesurer aux cavaliers Athéniens.

Pendant ce temps, les Athéniens, qui ont la maîtrise de la mer, se baladent le long des côtes péloponnésiennes, débarquent à l’improviste aux abords d’une cité peu protégée, la saccagent en bonne et due forme, rembarquent et se tirent avant que des renforts viennent secourir la ville. Ca marche tellement bien que les Péloponnésiens se disent que putain il faudrait quand même une flotte pour empêcher les Athéniens de faire chier comme ça. Malheureusement pour eux, ils sont aussi à l’aise sur la mer que moi avec une moissonneuse-batteuse, et ce qui doit arriver arrive : malgré une supériorité numérique écrasante (les Lacédémoniens se construisent des centaines de vaisseaux de guerre en un temps record), les Athéniens leur mettent une branlée dans ce qui doit être une des plus belles batailles navales de l’histoire.

Les vaisseaux venus de Sparte, de Corinthe et de tous le Péloponnèse, disposés en cercles concentriques dans le golfe de Corinthe attendent une partie de la flotte athénienne (moins lourdement armés mais plus rapide et maniable) dans ce qu’ils croient être la fin de la domination maritime de ces derniers. Les Athéniens arrivent et le commandant de la flotte, plutôt que d’engager le combat, fait décrire de larges courbes à ses bateaux tout autour de la flotte Lacédémonienne, en resserrant petit à petit son étau. Pour les athéniens, de telles manœuvres, c’est du piece of cake. Les marins Lacédémoniens, eux, deviennent nerveux. Pourtant les Athéniens ne semblent pas pressés d’arriver. En fait le stratège Athénien (nom officiel des commandants d’armée) attend le crépuscule qui verra se lever, comme tous les soirs, un vent d’Est qui risque bien de déstabiliser toute la flotte ennemie. Ca ne rate pas, les bateaux lacédémoniens, bien trop rapprochés, se mettent à tanguer comme la nuit tombe et manquent se percuter. Les marins sont occupés à s’insulter les uns les autres et à repousser les autres bateaux à l’aide de gaffes. Les Athéniens attaquent à ce moment –là. Bilan : très peu de survivants, lesquels seront de toute façon exécutés quelques heures plus tard, pour l’exemple.


Allez hop, de toute façon il y a plus de place dans les prisons

A propos d’exécutions (presque) sommaires, il y a cet épisode assez amusant, je dois dire, si l’on n’est pas Lacédémonien, bien sûr :
Assiégeant la cité de Platée depuis plusieurs mois, les Lacédémoniens ont l’idée géniale d’ériger un terre-plein contre la muraille de la ville pour pouvoir y accéder par au-dessus. Ils s’y mettent tous et l’ouvrage prend vite de la hauteur. Les Platéens commencent par surélever leur muraille mais ils n’ont pas beaucoup de matériaux à part les briques de leurs propres maisons, alors ils décident de retirer quelques pierres au bas de la muraille pour extraire la terre et les branchages que les lacédémoniens accumulent de l’autre côté. Le terre-plein s’affaisse inévitablement et les Lacédémoniens mettront plusieurs semaines à découvrir la supercherie.
Ca ne les décourage pas et, furieux, ils s’apprêtent à lancer l’assaut contre la ville. Leur chef offre aux Platéens une dernière chance de se rendre. On l’invite à entrer, seul, dans la ville, en lui promettant, foi de Platéen, qu’il ne lui sera fait aucun mal tant qu’il sera en ces murs. Le chef accepte. Dès qu’il est entré, il est arrêté par des hommes en armes et gardé captif tandis que les troupes Platéennes attaquent par surprise les assiégeants. Ceux-ci, déboussolés sans leur chef, ne tardent pas à fuir. La ville enfin débarrassée des assiégeants, on libère l’otage, comme promis, on le fait sortir et, dès qu’il a passé les portes de la ville, on l’abat. D’où l’utilité du javelot, quand même. C’est fourbe mais ça marche bien

(voir aussi pour ce genre de tactique : SUN TZU, page 109, Stratégie offensive : « Votre officier d’état-major manquait de savoir vivre, je l’ai fait décapiter »
LE SUPREME RAFFINEMENT DANS L’ART DE LA GUERRE C’EST DE S’ATTAQUER AUX PLANS DE L’ENNEMI.)

Encore un petit épisode bien croustillant : A Corcyre (une petite île au large de la côte ouest de la Grèce) une guerre civile se déclare entre démocrates et oligarques (respectivement fidèles a Athènes et fricotant avec les Lacédémoniens). Les oligarques prennent le pouvoir, ce qui n’est pas du tout pour plaire aux démocrates, lesquels, armés de poignards, font irruption dans la salle du conseil et poignardent à tour de bras. Bilan : une soixantaine de morts tout de même. Vive la démocratie.

Voilà vous trouverez tout cela et bien d’autres choses encore dans ce merveilleux livre qui est un peu à la littérature ce que W40KDoW est au jeu vidéo.

Labels: Kulturbook

::: posted by Tranxenne at 2:47 PM

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