Friday, February 20, 2004 :::
La science de l'amour
LEMONDE.FR | 19.02.04 | 13h47
Dans le match qui oppose le cœur à la raison, la seconde vient de marquer un point décisif. Menée sur dix-sept personnes transies d'amour, une récente étude américaine vient d'identifier les zones cérébrales qui abritent les élans du cœur. Le protocole de l'expérience était simple : faire passer une IRM fonctionnelle à sept hommes et dix femmes, tous "raides dingues" de leur partenaire. Une fois installés dans la machine, on leur présentait une photo de leur dulcinée puis celle d'un simple proche. Postés dans la cabine de contrôle, les scientifiques observaient sur les écrans les zones activées dans le cerveau, scrutant les moindres changements de surbrillance.
Le résultat de l'expérience a de quoi refroidir les plus fous d'amour, car le cerveau réagit bizarrement à ce noble sentiment. Les zones les plus sollicitées dans la vision de l'être cher ne sont pas celles de l'émotion, mais celles qui lient motivation et récompense. Pour être plus précis, tout se passe dans le noyau caudé et le tegmentum ventral droits, connus pour abriter le mécanisme de la poursuite du plaisir et de la motivation du résultat. Comme un âne avance quand on lui tend une carotte, les pauvres bipèdes que nous sommes ne poursuivent qu'un seul but : se reproduire. Difficile d'être romantique après une telle découverte…
Plus efficace qu'un détecteur de mensonges, l'IRM fonctionnelle met à nu les préoccupations les plus triviales de l'être humain, même quand celui-ci est au septième ciel. L'équipe en conclut que "l'amour est une forme développée et héritée de l'instinct de reproduction des mammifères". Helen Fisher, anthropologue à l'université Rutgers (New Jersey), et membre de cette équipe de têtes chercheuses, précise que "l'instinct de reproduction a évolué pour permettre aux individus de trouver des partenaires d'accouplement choisis". Et non le premier venu. Ce mécanisme permet de faire une cour ciblée, et donc de ménager son énergie. Quand on pense à tous ces balcons gravis, ces poèmes composés et ces ballades pianotées : de simples moyens pour satisfaire l'instinct de conservation de l'espèce ! C'est tout le fonds de commerce du conte de fées qui s'effondre, bien obligé de troquer les étoiles plein les yeux contre les phosphorescences de l'IRM.
Dernière "découverte" cruciale de l'étude : hommes et femmes fonctionnent différemment ! Car des zones d'activités associées ont été décelées par l'IRM. Alors que le cerveau des femmes fait marcher l'aire des souvenirs, de l'émotion et de l'attention, celui des hommes présente une forte activité de l'aire visuelle et de l'excitation sexuelle. Pour leurs prochaines études sur l'obscur fonctionnement sentimental de l'Homo sapiens, ces scientifiques cherchent actuellement des amoureux tout juste largués, histoire de voir si la tuyauterie de leur cerveau tient le choc.
Laurence Wycke
::: posted by Esamurai at 11:13 AM

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