Friday, March 07, 2003 :::
 

un texte qui fait réfléchir
euh vous en pensez quoi
(bon j'avoue, c moi qu'il l'ai ecrit)

La révolution corporatiste

Depuis dix ans on assiste à une accélération phénoménale de la mondialisation forcée de l’économie. Regroupées sous l’égide du GATT, puis de l’OMC, les grandes firmes internationales imposent aux peuples et aux gouvernements du monde entier de nouvelles règles et lois, un droit commercial et industriel supplantant toutes les autres valeurs, droit constitutionnel, droit naturel, droit humain. Ces changements se font dans l’ombre, sans publicité, et avec la bénédiction d’une poignée de gouvernements qui voient dans l’ultra libéralisation de leur économie une formidable source de revenus. C’est ainsi que dans toutes les grandes démocraties on assiste à des séries de privatisations qui touchent tous les secteurs du travail : l’industrie, les services, les médias, mais aussi les secteurs de tradition publique comme les transports, l’eau, l’éducation, la santé, l’écologie, et même, comble de l’ironie, l’emploi. Le passage en force des OGM, et même des AGM (Animaux Génétiquement Modifiés) sur les marchés occidentaux permet de libéraliser et de ‘corporatiser’ le marché de l’agriculture et de l’alimentation, qui de par sa nature intrinsèque n’était pas, ou peu, soumis jusque là aux contraintes de progrès, de brevets et de concurrence.
Oubliant leurs rivalités, ces grandes firmes n’hésitent plus à fusionner pour donner naissance à des empires économiques colossaux aux ramifications multiples et à la puissance comparable à un Etat. A ce titre, cinquante des cent premières puissances économiques mondiales sont des entreprises. Les domaines d’activités de ces empires qui ne connaissent pas de frontières s’étendent aussi bien sur la fabrication et le commerce d’armes ou de médicaments que sur la culture, l’édition et la diffusion de l’information (les groupes Lagardère et Dassault sont de parfaits exemple de cette main-mise sur les médias par des producteurs d’armement). Bref, ces firmes tentent par tous les moyens de toucher à tous les domaines qui composent notre quotidien afin de mieux cerner et contrôler le consommateur.
Ainsi, les négociations de l’AGCS (Accord Général sur le Commerce et les Services) visent à rendre les firmes responsables de secteurs traditionnellement contrôlés par les gouvernements comme l’éducation, la santé, mais aussi la propriété intellectuelle et les communications..

De nouvelles dynasties se créent, semblables à la noblesse de l’époque féodale, où le pouvoir et la direction des grandes firmes sont transmises de père en fils, et non plus en fonction du mérite et des compétences comme on serait en droit de l’attendre d’une société démocratique (là encore, le groupe Lagardère (père et fils) en est un exemple frappant).

Les marques sont présentes partout, envahissant tous les espaces de vie ‘publique’ : rues, écoles, toilettes, cafés, bibliothèques, musées. De grands groupes privés font l’information, des entreprises s’investissent dans le marché du travail, s’employant à former la main-d’œuvre en fonction des demandes patronales et à favoriser les emplois instables et peu sécurisés, l’intérim et les emplois à mi-temps, qui permettent aux patrons de traiter leurs employés comme une simple marchandise, une denrée renouvelable. L’idéologie libérale abolit toutes les frontières au seul bénéfice de ces corporations qui délocalisent leurs usines dans les pays du tiers-monde où les codes du travail sont ‘plus souples’, doux euphémisme pour dire qu’ils sont inexistants. Les populations des pays riches connaissent alors un chômage massif, et le monde se transforme peu à peu en un gigantesque magasin où les biens produits à coûts dérisoires dans les pays pauvres sont vendus pour des sommes astronomiques aux citoyens-consommateurs des pays riches, sous le regard des gouvernements qui subissent les diktats de ces entreprises comme la grogne de leurs électeurs.

Seulement, les politiques ne peuvent faire face à la dictature de l’économie. Outre les gouvernements affiliés aux corporations, les autres ne peuvent s’opposer aux pratiques des grandes firmes sans écoper de sanctions économiques qui déstabiliseraient leur pays et ferait monter le mécontentement de leur population. Impuissants devant les changements qui s’opèrent, la plupart des politiciens préfèrent se vassaliser aux grandes firmes internationales et se plier à leurs conditions. On comprend dès lors le désaveu de la politique rencontrée dans toutes les sociétés occidentales, illustrée par des taux d’abstention jamais vus jusqu’alors dans la plupart des pays industrialisés. Ces taux sont exponentiels : en effet, plus les firmes augmenteront leur pouvoir, moins la politique aura les moyens de changer le cours des choses et d’entamer des réformes sociales, donc plus la foi des citoyens en la politique s’affaiblira.
Ce désaveu de la politique, les industriels la présentent comme un constat d’échec des gouvernements à donner réponse aux problèmes rencontrés. C’est pour cela qu’ils préconisent une privatisation globale de la société et l’abolition des lois et des constitutions qui entravent encore leur liberté d’action. Ces lois, que les corporatistes appellent ‘désuètes’, brident leurs volontés expansionnistes. Ce sont les codes du travail, les syndicats, les droits de grève, et toutes les formes de protection du travailleur garanties par l’Etat et la démocratie.
Ces valeurs-là fâchent et certains aimeraient les voir disparaître.
Et même si les corporations s’insinuent au cœur même des gouvernements et bousculent sournoisement les règles et les codes de nos sociétés, certaines de ces valeurs restent inamovibles et causeraient des soulèvements massifs si elles venaient à être transgressées, serait-ce par des firmes de dimension planétaire.

Ce dont ont besoin ces firmes toutes-puissantes, c’est de renverser le système démocratique qui prévaut dans le monde depuis des siècles. Leur but à courte échéance est la révolution corporatiste contre les régimes démocratique. En effet, les changements les plus radicaux que doivent entreprendre les corporations pour assurer leur domination de la planète ne pourront s’effectuer que par leur rébellion à l’ordre établi.
Depuis l’aube des temps, le meilleur, voire le seul moyen de renverser un régime a été la révolte ouverte contre les détenteurs du pouvoir. Ainsi, les grandes firmes internationales veulent reléguer la démocratie aux poubelles de l’Histoire afin d’établir des républiques corporatistes qui leurs donneront tout pouvoir et les assiéront comme maîtres incontestés des nouveaux ‘pays’ du monde, sans plus aucune opposition gouvernementale, ni accords ou organisations internationales comme l’ONU ou le tribunal pénal international. Des empires commerciaux dirigeront le monde. Les peuples, de citoyens deviendront consommateurs, et les guerres ne se feront plus que sur des considérations économiques.

Mais la révolution est traditionnellement un phénomène de mécontentement issu et soutenu par la base, donc les plus pauvres. L’inverse tend à se produire aujourd’hui. Quelles sont les armes d’une révolution des riches? La guerre. Soutenue, et soutenant les trois piliers de l’industrie corporatiste (pétrochimie, armement et industrie pharmaceutique), une guerre globale et totale serait le meilleur moyen pour les corporations de mettre les gouvernements en déroute afin d’imposer et d’officialiser leurs doctrines, mettant les citoyens du monde entier devant un fait acquis. Georges W. Bush l’a clamé haut et fort lors de sa présentation du nouveau plan de défense américain sur la guerre préventive : le but n’est pas la protection du sol ni du peuple américain, mais celle des ‘intérêts américains’. Premier volet de l’application de cette théorie, la guerre contre l’Irak ne sera pas la dernière, les grands magnats de l’industrie cachés derrière les déclarations de la Maison-Blanche désirant plus que toute autre chose renverser les gouvernements qui osent leur tenir tête, que ceux-ci soient considérés comme alliés où non des Etats-Unis, et imposer ainsi leur vision unilatérale du monde qui n’est même pas celle des USA, mais bien celle des méga-corporations.

La révolution à l’échelle mondiale est un vieux rêve Marxiste, c’est finalement son ennemi idéologique héréditaire qui s’empare de ce concept et l’utilise à son avantage sous sa plus hideuse forme : la guerre globale et permanente au nom de l’économie.
Quelle sera la réaction des individus face à l’imposition d’un ordre économique totalitaire ?
Déjà le mouvement des anti-mondialistes se gonfle au fur et à mesure que la menace se précise et il n’est plus un seul regroupement de puissants destiné à mettre en place la nouvelle conjoncture économique totalitaire qui n’ait son contre-rassemblement dans les rues même des villes qui les héberge, amenant les villes en question à hésiter à offrir leur hospitalité à ces forums inter-corporatistes (Davos et les diverses réunions de l’OMC, du G7, du FMI, de la Banque Mondiale). Cette conscience anti-mondialiste grossissante trouve sa voix dans tous les pays et toutes les cultures du monde. Le contre-poids de la mondialisation de l’économie, c’est la mondialisation de la résistance.

Seulement doit-on s’opposer à la marchandisation du monde en prônant une cristallisation à l’age démocratique, ou faut-il plutôt diffuser les germes d’une troisième alternative qui concilierai l’homme, la nature et le progrès ? Cette troisième voie reste à définir, mais des millions de gens à travers le monde la sentent possible, voire inévitable, et peu importe le nom qu’on lui donne, écotopie, évolutionisme ou autre, l’humanité devra bien s’engager sur la voie du progrès raisonnable et sage, ou se condamner à sa propre extinction. Et ça, même les plus fervents mondialistes devraient le comprendre.

::: posted by Tranxenne at 8:04 PM

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