- Qu'est ce que c'est que ce bordel ? - J'en sais rien. Je peux pas dire. Hier j'étais aux putes. - Certes, mais quand même. Les canards, passe encore. J'ai jamais rien eu contre les canards. Tu sais bien le bruit qui court dans la famille : "Si maman a les pieds palmés, c'est pas vraiment parce que grand-papa aimait pêcher". On a ça dans le sang, si j'ose m'exprimer ainsi, ah ah ah. - Je sais plus. J'ai pas vraiment suivi. Ce midi c'était hachis parmentier. C'est pas ma faute en tout cas. - Par contre ce billet avec rien que des tags, j'ai du mal à saisir. À quoi ça rime ? Que va penser Kim-Jong-Il ? La ligne éditoriale de ce blog d'exception est en train de partir à vau-l'eau, c'est moi qui te le dit. - Blog ? Il est de retour ? On lui avait bien dit que la prochaine fois, c'était pas les cornes qu'on lui couperait. - Je te parle du mur de laine de briques ! - Ah ! Ça ! Moi je trouve qu'en ce moment, ça manque de flingues.
Plus que l'info elle-même, qui a du filtrer ailleurs que sur le mur de laine de briques (lmdldb) je voulais attirer votre attention sur l'encadré de l'article de Lalibre, encadré intitulé "en savoir plus". En fait d'approfondissement, cet encadré reprend quasiment mot pour mot le texte de l'article. On nous prend pas pour des cons, c'est bien.
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Il est cependant strictement interdit de nourrir les animaux.
Voici une collection d'images étranges à regarder quand vous n'avez rien d'autre à faire. Comment ça, ça ne vaut pas les extraits des dires de Julien Freund?
- Comme vous pouvez le constater, Sublimissime Fruit du Destin Serratique, la percée du tunnel avance de manière satisfaisante. De nombreuses galeries secondaires sont également creusées pour permettre l'installation des armes innovantes autant que létales issues tout droit de vos laboratoires secrets. De ce côté on placera les missiles-taupes. À l'est, les foreuses de la mort. Leur attaque combinée sera fatale et la surprise totale. Les odieux sudistes seront complètement pris au dépourvu. Leurs alliés Américains ne pourront les aider en rien. Notre victoire sera absolue. - ... - Démiurge Liminaire Surpassant en Suavité les Crèmes les Plus Sucrées ? - J'étais en train de me dire, Xing, que vous avez l'air sacrément stupide avec ce ridicule casque rouge posé sur le crâne. Mais poursuivez, je vous prie. - Euh, eh bien... Un second tunnel est creusé plus à l'ouest, au cas où celui-ci serait découvert. On a tous bossé comme des dingues. On a pensé installer un petit train pour acheminer les troupes plus vite. Ce sera pour le second tunnel, celui-ci est déjà plein à craquer de matériel nucléaire. C'est ce film, la Grande Évasion, qui nous a donné l'idée. On le regarde sans arrêt, pour se motiver. D'ailleurs les ouvriers m'appellent Xing McQueen maintenant, ah ah ahahah... ah... Fissible Épanaphore Virtuel ? - Je ne sais pas, Xing... Pourquoi rouge ? Vous les auriez pris jaune, d'accord. Jaune c'est distingué et ça va avec tout. Mais rouge... Rouge !? C'est grotesque. Vous ressemblez à un pénis de taureau juste après la saillie. Ne riez pas, Kool, vous n'avez pas l'air plus malin. Enfin bon, ce qui est fait est fait, je suppose. Continuez. - Alors euh... Ah oui, le petit train... Hmm... Comme le sous-sol est riche en charbon, on avait d'abord pensé à une petite locomotive à vapeur. Pour la facilité d'approvisionnement en carburant, tout ça. Ça semblait une bonne idée, sur le coup. En fait ça a été une épouvantable catastrophe. J'ai perdu 15 gars, tous morts asphyxiés. Du coup on a changé nos plans pour des draisines manuelles ou bien à pédales, on ne s'est pas encore vraiment décidé...
- En plus bon c'est pas un rouge très discret que vous avez choisi là. Je veux dire, des teintes de rouge, il en existe des moins salaces. Ça ne vous est pas venu à l'esprit, lorsque vous vous êtes décidé, je ne veux pas savoir pourquoi, pour du rouge, de vous orienter vers quelque chose de plus euh... de plus raffiné ? Un amarante un peu tanné par exemple, ou bien un carmin légèrement panaché, que sais-je encore ? N'importe quoi plutôt que cet écarlate à la limite du licencieux ? Non ? Enfin soit, le choix vous incombait, à vous et à vous seul. Reprenez, je vous prie. - Je ne sais plus où j'en étais... Les draisines... On va les commander d'ici la semaine prochaine. On aimerait leur installer des lances-flammes à l'avant, dans l'improbable cas où les Sudcoréens se ressaisiraient et envahiraient les tunnels. Aussi on voulait les peindre en rou... jaune ! En jaune, on s'était dit que ce serait plus gai. Bref, dans un mois tout au plus, le réseau complet sera à pied d'œuvre et opérationnel. Vos puissantes armées n'auront plus qu'à s'engouffrer dans ces tunnels pour amorcer la réunification tant espérée du pays.C'est un ouvrage dont nous sommes fiers, ô Gracile Diamant Méthémérin.
- Remarquez, ça aurait pu être pire. Vous auriez pu prendre des casques bleus ! Ahahah ! Vous imaginez la tête des Sudcoréens vous voyant débarquer pour leur en mettre plein la gueule avec des casques bleus ? Ahahah ! Le bordel au niveau international ahahahah ! Ç'aurait été marrant, tiens. Alors que des casques rouges... Qui porte des casques rouges, je vous le demande ? Les Suisses ? - Je... Je ne crois pas, non, Stuporeux Golem de Prodigalité. Aucune armée ne porte, à ma connaissance, de casques rouges. Ceux-ci étaient simplement destinés à notre équipe de forage, afin de se repérer plus facilement les uns les autres dans l'obscurité des tunnels. Je conçois que leur mérite esthétique n'est pas des plus élevé, mais cette lacune est à mon sens largement compensée par leur utilité. Je ne possède toutefois pas votre puissance d'analyse, Plantureux Parangon des Pépites Plurivoques. Cela étant, mon exposé est terminé. Si vous avez des questions ou des remarques, je les accueillerai avec joie. - Juste une petite chose Xing, et tout à fait entre nous : ne vous flattez pas trop. Vous ressemblez beaucoup plus à Charles Bronson qu'à Steve McQueen.
We're tired of living up to other people's expectations when our own are so much higher. Intelligence seems so easily dismissed when it doesn't conform to mainstream values. Lennon said "They hate you if you're clever and they despise a fool", He was right. Social intelligence merely requires agreement and compromise.
The boundaries are becoming narrower as the State becomes more paranoid. Under authoritarian rule, conformity becomes the only security. Fear is a powerful weapon against human development. Cowering in our temples of self there's little chance of change; The State is aware of that.
Un film d'animation qui est sorti le 17 octobre au Japon. En même temps le 17 octobre j'avais concert des Morning Musume à Shizuoka, alors bon Bouddha c'était pas ma priorité ce soir là, v'voyez ?
En plus j'apprends que le film a été commandité par une secte locale du nom de Science du Bonheur (Kofuku no Kagaku). Film qui plus est basé sur un bouquin écrit par Ryūhō Ōkawa, le gourou fondateur du mouvement. Ce serait d'ailleurs pas leur premier forfait de ce genre (the Laws of the Sun, Golden Laws, Laws of Eternity, Hermes, tous des films d'animation à vocation prosélyte). Pour vous donner une idée, voilà le genre d'élucubration dont est coutumier l'énergumène : « Dans les 100 prochaines années, les Nations Unies s'effondreront et la guerre au Moyen-Orient éclatera. Le Japon deviendra un centre religieux comme la Mecque et Jérusalem le sont aujourd'hui. En 2050, l'ange Gabriel sera réincarné à Bangkok. En 2300-2400, le nouveau continent de l'Atlantis sera recréé par l'affaissement des Etats-Unis. »
Enfin cela dit moi l'Atlantis je veux bien, ça doit être un excellent coin pour le surf. Si vous êtes intéressé par l'histoire de cette secte (présente en France, entre autres), leur filmographie et même un portrait du Grand Gourou, cliquez.
Julien Freund était un philosophe, un politologue et un sociologue français, ancien résistant, né en 1921 et mort en 1993. Ses conversations avec Pierre Bérard, que ce dernier a retranscrit, sont de haute volée. Je vous ai sélectionné plusieurs extraits plutôt longs mais de qualité.
Je suis frappé par le caractère routinier du débat européen. L'Europe se construit d'une manière fonctionnaliste, par une suite d'enchaînements automatiques. Son fétichisme institutionnel permet de dissimuler notre maladie qui est l'absence d'objectifs affichés. Nous sommes par exemple impuissants à nous situer par rapport au monde. Etrange narcissisme ; on se congratule d'exister, mais on ne sait ni se définir, ni se circonscrire. L'Europe est-elle reliée à un héritage spécifique ou bien se conçoit-elle comme une pure idéalité universelle, un marchepied vers l'Etat mondial ? L'énigme demeure avec un penchant de plus en plus affirmé pour la seconde solution qui équivaudrait à une dissolution. Ce processus se nourrit par ailleurs, c'est transparent chez les Allemands, d'une propension à fuir le passé national et se racheter dans un sujet politique plus digne d'estime, une politie immaculée, sans contact avec les souillures de l'histoire. Cette quête de l'innocence, cet idéalisme pénitentiel qui caractérisent notre époque se renforcent au rythme que lui imposent les progrès de cette mémoire négative toute chargée des fautes du passé national. On veut lustrer une Europe nouvelle par les vertus de l'amnésie. Par le baptême du droit on veut faire un nouveau sujet. Mais ce sujet off-shore n'est ni historique, ni politique. Autant dire qu'il n'est rien d'autre qu'une dangereuse illusion. En soldant son passé, l'Europe s'adosse bien davantage à des négations qu'à des fondations. Conçue sur cette base, l'Europe ne peut avoir ni objectif, ni ambition et surtout elle ne peut plus rallier que des consentements velléitaires.
Et puis, c'est une Europe de la sempiternelle discussion ... et toujours sur des bases économiques et juridiques, comme si l'économie et le droit pouvaient être fondateurs. Vous savez l'importance que j'accorde à la décision, or l'Europe est dirigée par une classe discutante qui sacrifie le destin à la procédure dans un interminable bavardage qui ne parvient guère à surmonter de légitimes différents. Ce refus de la décision est lié au mal qui frappe nos élites ; elles ne croient plus à la grandeur de notre continent ; elles sont gâtées jusqu'à la moelle par la culpabilité dont elles transmettent l'agent létal à l'ensemble des Européens. D'où cette dérive moralisatrice qui transforme l'Europe en tribunal, mais en tribunal impuissant.
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L'orgiasme n'est pas une réponse au retrait du politique, car il exclut la présence de l'ennemi. Quand il se manifeste, l'ennemi, lui, ne s'adonne pas au ludisme dionysiaque. Si le politique baisse la garde, il y aura toujours un ennemi pour troubler notre sommeil et déranger nos rêves. Il n'y a qu'un pas de la fête à la défaite. Ces tribus là ne sont pas un défi à l'individualisme, elles en sont l'accomplissement chamarré...
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P.B. - L'Europe n'est qu'un tigre de papier.
J.F. - Elle ne fait même pas semblant d'être un tigre ! Depuis plus de quarante ans, elle s'en remet aux Américains pour ce qui est de sa protection. Elle a pris le pli de la vassalité, l'habitude d'une servitude confortable. C'est ce que dévoilent d'ailleurs les choix budgétaires de tous ses gouvernements quelle qu'en soit la couleur : la portion congrue pour la défense, une part grandissante pour les dépenses sociales. En réalité, L'Europe ne peut se construire que sur un enjeu ultime... la question de la vie et de la mort. Seul le militaire est fédérateur, car dans l'extrême danger il est la seule réponse possible. Or ce danger viendra, car l'Europe vieillissante riche et apathique ne manquera pas d'attiser des convoitises. Alors viendra le moment de la décision, celui de la reconnaissance de l'ennemi... Ce sera le sursaut ou la mort. Voilà ce que je pense.
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C'est Nietzsche qui écrit dans La volonté de puissance que l'Europe malade trouve un soulagement dans la calomnie. Mais il se pourrait bien que le masochisme européen ne soit qu'une ruse de l'orgueil occidental. Blâmer sa propre histoire, fustiger son identité, c'est encore affirmer sa supériorité dans le Bien. Jadis l'occidental assurait sa superbe au nom de son dieu ou au nom du progrès. Aujourd'hui il veut faire honte aux autres de leur fermeture, de leur intégrisme, de leur enracinement coupable et il exhibe sa contrition insolente comme preuve de sa bonne foi. Ce ne serait pas seulement la fatigue d'être soi que trahirait ce nihilisme contempteur mais plus certainement la volonté de demeurer le précepteur de l'humanité en payant d'abord de sa personne. Demeurer toujours exemplaire, s'affirmer comme l'unique producteur des normes, tel est son atavisme. Cette mélodie du métissage qu'il entonne incessamment, ce ne serait pas tant une complainte exténuée qu'un péan héroïque. La preuve ultime de sa supériorité quand, en effet, partout ailleurs, les autres érigent des barrières et renforcent les clôtures. L'occidental, lui, s'ouvre, se mélange, s'hybride dans l'euphorie et en tire l'argument de son règne sur ceux qui restent rivés à l'idolâtrie des origines. Ce ne serait ni par abnégation, ni même par résignation qu'il précipiterait sa propre déchéance mais pour se confondre enfin intégralement avec ce concept d'humanité qui a toujours été le motif privilégié de sa domination... Il y a beaucoup de cabotinage dans cet altruisme dévergondé et dominateur et c'est pourquoi le monde du spectacle y tient le premier rôle.
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La modernité tardive que j'appelle décadence se veut formellement libertaire. Elle entend bannir tabous et inhibitions au profit d'une spontanéité qui rejette les conventions... La civilité, la politesse, la galanterie... Toutes ces procédures qui cantonnent l'instinct agressif pour lisser l'interface ; en un mot l'élégance sociétale, c'est-à-dire le souci de l'autre. Il y a un risque d'anomie que les thuriféraires de soixante-huit ont largement contribué à magnifier en laissant croire que tous ces codes relevaient d'une aliénation d'essence autoritaire et bourgeoise... Les bourgeois sont d'ailleurs les premiers à s'en émanciper, et avec quel entrain... Ils sont l'avant-garde de l'anomie à venir, des enragés de la décivilisation.
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La Résistance... Vous savez comme je l'ai faite dès janvier 1941. Le Résistant qui fut l'emblème héroïque des années d'après-guerre quitte aujourd'hui la scène au profit d'autres acteurs. Je ne m'en afflige nullement puisque j'ai toujours refusé les honneurs. Le Résistant, c'est un combattant, il fait en situation d'exception la discrimination entre l'ami et l'ennemi et il assume tous les risques. Son image ne cadre pas avec l'amollissement que l'on veut cultiver. C'est peut-être pourquoi on lui préfère aujourd'hui les victimes. Mais assurément, leur exemplarité n'est pas du même ordre. Le souvenir de la Résistance combattante doit s'effacer parce que son image renvoie d'une manière trop explicite au patriotisme. Il y a donc bien une contradiction entre le recyclage continu d'un fascisme mythique et malfaisant et l'occultation progressive de ceux qui ont combattu le fascisme réel, les armes à la main. Cette bizarrerie tend à montrer que le même mot renvoie bien à des réalités différentes...
La Résistance est partie prenante de l'ancien monde, celui des réflexes vitaux qui se mettent en branle lorsque le territoire est envahi par l'ennemi. Les nouvelles de Maupassant montrent très bien cela dans un contexte où le nazisme n'avait pas cours. Or, c'est ce lien quasiment paysan à la terre que l'on prétend aujourd'hui abolir parce que les élites, elles, se sont affranchies de ces attaches... Elles deviennent transnationales et discréditent des liens qui sont pour elles autant d'entraves. Dans ce contexte, le maquisard devient un personnage encombrant... Trop rivé à son sol, à ses forêts, à sa montagne...
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Il y a une revendication démesurée des droits qu'un Etat ramolli et bienveillant s'efforce de satisfaire, car cette demande qui lui est adressée, elle contribue aussi à le légitimer. Le droit à la santé par exemple s'intègre dans cette extension illimitée, d'où le risque d'un despotisme thérapeutique. Car, enfin, la gratuité des soins conduit automatiquement l'Etat, dispensateur et gestionnaire du système de santé, à organiser une prévention collective toujours plus vigilante au nom de la rentabilité. La société du contrôle total est au bout de l'idéal hygiénique. Aboutissement qui n'est pas antinomique d'un Etat faible, d'un Etat apathique en tous cas dans le registre des fonctions régaliennes...
L'obligation sanitaire pourrait être dans un proche avenir au fondement d'une nouvelle forme de totalitarisme. Le refus pathologique du vieillissement et de la mort, intimement lié à cet effacement de la transcendance dont nous parlions laisse aisément présager l'aptitude de nos contemporains à consentir au cauchemar climatisé dont parlait Bernanos. Le harcèlement que nous subissons à propos de l'alcool et du tabac donne un mince avant-goût de ce que nous pourrions subir. Nous sommes talonnés par des instruments de surveillance toujours plus sophistiqués, sans que cela ne soulève de réelles protestations. C'est la face noire du jeunisme qui nous assaille. Et le sportif exemplaire, la star athlétique, le dieu du stade, objet de toutes les sollicitudes publicitaires, c'est le point de mire de toute cette mécanique. C'est l'icône pathétique d'une propagande qui promet la rédemption du corps par un nouveau régime de salubrité imposé.
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Vous savez... Justifiant les noyades de Nantes, le conventionnel Carrier proclamait déjà que c'était par " principe d'humanité " qu'il purgeait " la terre de la liberté de ces monstres "...Porté à l'incandescence idéologique le concept d'humanité comme n'importe quel autre peut devenir une incitation au meurtre. Il n'y a pas d'idée tolérante ; il n'y a que des comportements tolérants. Toute idée porte en elle l'exclusivisme, et les énoncés mirobolants d'aujourd'hui n'échappent pas à cette règle.
[...]
Je ne pourrais plus parler de supériorité intrinsèque de l'Europe. Un tel jugement n'est concevable que dans une perspective universaliste. Pour que les hiérarchies fassent sens, il faut bien que les valeurs qui permettent de les établir soient unanimement partagées. Or, les valeurs étant l'expression de cultures différentes, toute tentative de classement trahit un ethnocentrisme effronté. Ce que l'on baptise pompeusement l'universel, qu'est-ce donc d'autre, sinon la culture et les préjugés des conquérants ?
J'incline à penser que l'écart entre les cultures ne relève pas d'une différence de degré, mais d'une distinction de nature, même si, bien entendu, il n'y a qu'une seule espèce humaine. D'où ma réserve, pour ne pas dire plus, vis à vis de cette arrogance occidentale qui pulvérise le pluriversum planétaire avec, il faut bien le dire, la complicité extasiée de la plupart de ses victimes. Ultimes sectateurs de cette occidentalisation, les croisés des droits-de-l'homme ne sont pas ses thuriféraires les plus naïfs. Le moralisme chevillé au corps, ils couronnent un processus qui n'a fait que s'accentuer pour le plus grand malheur de l'humanité. Car, enfin, concrètement, ce qu'on appelle prétentieusement le développement, qu'est-ce d'autre que la métamorphose de la pauvreté en misère. Qu'est-ce donc que la misère ? C'est la pauvreté sans le secours apaisant du groupe, sans les racines partagées, sans l'assurance d'un entre-soi solidaire.
[...]
P.B. - Les aspirations libérales et les aspirations social-démocrates ont ceci en commun d'être issues de la matrice des Lumières et de surestimer le rôle de l'économie au point de toujours privilégier la croissance comme un sésame en dépit des ravages qu'elle exerce aussi bien sur la biosphère que dans la sociosphère. Il s'agit de deux inflexions d'un même système, comme vous l'avez d'ailleurs écrit à plusieurs reprises. A tour de rôle, chacun de ces deux sous-systèmes est mis en avant pour corriger les excès de l'autre, mais on ne met jamais en question la matrice commune et ses paradigmes. C'est pourquoi les frères ennemis jouissent d'un bail emphytéotique sur ce qui nous reste de vie politique.
J.F. - C'est ce qui conduit Alain de Benoist à relativiser la pertinence du clivage gauche-droite.
P.B. - Oui, c'est un clivage obsolescent quant au fond, un simple label pour identifier des commissions de gestionnaires rivaux ; mais les élites dépensent des trésors de communication pour le maintenir sous perfusion. Il y va de leur intérêt. Cette hégémonie n'est même pas sérieusement contestée par les chapelles d'extrême-gauche dont la présence très active dans ce qu'un de vos collègues appelle les nouveaux mouvements sociaux, prend pour cible privilégiée la famille, l'armée, la religion, l'école autoritaire, etc... Autant de proies chétives, d'objectifs cacochymes, de leurres, que l'évaluation libérale-libertaire du capitalisme s'est depuis longtemps employée à déconsidérer et dont les vestiges, objets de railleries consensuelles, ne peuvent plus être considérés comme des forces agissantes et, à fortiori, comme des instruments d'oppression. En blasphémant des idoles déchues, ils participent de cette " insignifiance " dont parle Castoriadis pour qualifier ce présent où nous avons à vivre.
J.F. - Mon cher Bérard ; nous allons finir cette bouteille, il faut sustenter cette péroraison...
P.B. - C'est un fait, la clameur " contestataire " enfle au rythme où s'épuise son imaginaire révolutionnaire. On notera par ailleurs que cette clameur trouve un écho complice dans ce qu'il faut bien appeler la presse " patronale ", ce qui est tout dire de la capacité subversive que lui reconnaissent les classes dirigeantes. En vociférant contre les vestiges de l'ancienne société, la dissidence de confort apporte sa modeste contribution à l'entreprise de bazardement qui doit faire place nette aux stratégies de recomposition d'un capitalisme mondialisé. Leurs diatribes contre la France frileuse, le repli identitaire, le tribalisme xénophobe... c'est cela : la version jeuniste, lyrique et bigarrée d'une raison libérale qui a fait le choix de la globalisation et considère, en conséquence, les frontières comme des obstacles à effacer. Favoriser la porosité des territoires pour que demeure seulement un espace homogène de consommation. Le monde sans frontière dont rêvent les gauchistes ressemble furieusement à un terrain de jeu pour multinationales en goguette.
Attention : le lien suivant est déconseillé aux âmes sensibles. Il vous dirigera vers le dialogue complet entre Pierre Bérard et Julien Freund. On notera notamment la présence de mots tels qu'aboulie, oekoumène, irénique ou hétérotélie. Oui je sais c'est dur. Vous voilà prévenus.